Olaf Hassel

Comme chaque lecteur le sait ici, j’avais écrit un billet sur la contribution des sourds dans l’exploration spatiale (lire ici) l’an dernier.  Ici, je vais surtout me concentrer sur un personnage méconnu de l’astronomie, le norvégien Olaf Hassel, qu’il est nécessaire de découvrir, 50 ans après sa mort.

Né le 12 mai 1898 non loin de Kongsberg, à Øvre Sandsvær en Norvege du Sud, à quelques kilomètres de Oslo, d’une famille de fermiers.

Envoyé à Oslo dans une école pour sourds entre 1907 et 1915, où il y apprend entre autre la menuiserie et la cordonnerie.  Mais le déclenchement de la première guerre mondiale a prolongé les vacances et donc pour tromper l’ennui, Hassel a pris un livre d’un autre écolier plus âgé qui contenait une carte des étoiles. De là commence sa vocation. C’est à l’automne 1914 qu’il commence réellement ses observations. 

Plusieurs fois, il a signalé ses découvertes, comme la comète de 1919 (découverte auparavant par Metcalf), la nova de la constellation du cygne, le 24 aout 1920, hélas déjà découverte. Et le 26 avril 1921 une comète , déjà découverte trois semaines auparavant par un sud-africain, Reid. 

En dépit de ces signalements tardifs, on voit qu’il progresse dans ses capacités observationnelles. Il continue ainsi ses observations, tout en s’adonnant à l’astrophotographie avec ses instruments, jusqu’au jour de 1939 où il détecte une nouvelle comète dans la constellation de Persée, non loin de Argol. L’anecdote racontée par Rune Anda mérite le détour (la traduction est faite par moi-même) :

C’était le 16 avril 1939. soudainement, il observait une longue queue d’une comète, dans l’un des ouvertures de la couverture nuageuse. Il prit son large télescope. La tête courbée de la comète pointait vers le bas brillait d’une belle queue. Mais, à l’oeil nu, il était pas facile de l’observer, car la nuit d’Avril était claire.

Olaf Hassel avertit immédiatement les astronomes à Oslo avec l’aide d’une dam

Olaf Hassel en 1939 (Rise Hvezd, 1er juin 1939, p. 155)

e téléphoniste, mais c’était couvert à Oslo, son observation n’a pu être controlée et donc les astronomes n’ont pas cru à son rapport ! Le lendemain, il appelle, avec l’aide de la téléphoniste, l’astronome Sigurd Einbu à Dombås qui avertit immédiatement l’observatoire à Copenhague, qui a répondu qu’il n’avait reçu aucun rapport de la nouvelle comète de la part d’autres astronomes.

Au soir du même jour, Sigurd Einebu trouvait finalement la comète dans le ciel perturbé du nord, et il téléphonait à Oslo pour confirmer la découverte de Hassel. 

L’astronome d’Oslo n’a toujours pas pu trouver la comète à cause du temps couvert, et c’est seulement après deux jours qu’il a pu télégraphier, depuis Olso, vers les autres observatoires du monde de la découverte. 

Au troisième jour, Olaf Hassel reçut un courrier depuis l’observatoire de Copenhague que la nouvelle comète reçoit le nom “comète Hassel 1939 d”…

…

L’observatoire de Copenhague reçoit immédiatement un télégramme depuis un professeur russe que deux observateurs russes, en lieux différents, ont découvert la même comète le 15 avril, et il avait reçu le même message d’eux le même jour, un jour avant l’observation de Olaf Hassel. Le résultat est que la comète a un nom étendu : ” comète Jurlow-Achmarow-Hassel”. 

Chose étonnante, le second observateur, Achmarow, est également enseignant pour sourds en Russie.

La comète en question a fait l’objet de plusieurs articles comme ici, d’une revue tchèque, le Rise Hvezd  du 1er juin 1939 où l’on peut trouver Hassel avec un instrument d’observation ou encore celui, en français, paru dans L’Astronomie(n°53, pp 193-201) par Rigollet qui note son déplacement dans le ciel, et qui fait partie des premiers observateurs de la comète. Un autre auteur de l’article observe que : 

Le cas de M. Hassel est assez curieux pour retenir une attention sympathique. Né en 1898 dans la Norvège méridionale, il est sourd et presque muet depuis son enfance. A l’école des sourds-muets, il se montra très doué pour les études. Mais il dut aider ses parents, qui étaient fermiers, et resta vingt ans à collaborer aux travaux de la ferme. Le soir, il lisait des livres d’astronomie, de météorologie etc., ayant un goût très vif pour les sciences de la nature. Il construisit lui-même une petite lunette avec les verres des lunettes de sa mère, pour se donner la joie de mieux voir le ciel qu’il aimait tant; puis en 1926, il s’acheta une lunette astronomique.

Le 16 avril dernier, il était sorti pour observer l’étoile variable R Trianguli, et déterminer son éclat. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant le champ de sa lunette traversé par la queue d’une comète. Il s’empressa de télégraphier sa découverte à l’Observatoire d’Oslo. (p. 195)

Un peu plus loin dans l’article, l’auteur note une autre de ses contribution en 1938 : 

En ces dernières années, il s’est principalement consacré à la photographie des aurores boréales. Dans la seule nuit du 25-26 janvier 1938, pendant la magnifique aurore polaire rouge sang dont les lueurs furent visibles en France et jusqu’en Afrique du Nord, M. Hassel, collaborateur du prof. Stömer, prit 400 photographies, et il a obtenu déjà plus de 1400 clichés d’aurores depuis 18 mois. Si l’on songe qu’il faut rester quelquefois des heures en plein air par 30° au-dessous de zéro pour prendre ces photographies, sans autre chaleur que celui du feu sacré, on imagine combien ardent doit être celui-ci chez M. Hassel !

Cet article est l’un des plus importants hommages que j’aie vues sur cet astronome sourd qui soient publiés dans une revue d’astronomie.

Il devient assistant dans l’Institut de météorologie en 1941, sur proposition de cet institut qui est confronté à un manque de personnel à cause de la guerre. L’astronome sourd est sollicité par ses collègues grâce à la qualité de ses observations, que ce soit météorologique ou astronomique. Il tient entre autres l’almanach des étoiles entre 1946 et 1969.

Entre temps, le 7 mars 1960, au matin, sept minutes avant le lever du soleil, il observe le ciel en direction du sud-ouest, et remarque une étoile brillante. Pris de doute, il vérifie dans un atlas, et il semble que cela n’est pas répertorié. Vérifiant de nouveau,  il découvre effectivement une nouvelle nova, la V446 Herculis, située dans la constellation d’Hercule, à la limite de celle de la Lyre, située à 4 390 années-lumière de la Terre. Cette nova est en fait un système stellaire double où une étoile voit sa matière transférée vers une autre étoile naine, une naine rouge, ce qui déclenche le phénomène de nova. Les deux étoiles accomplissent un orbite de 13 à 30 jours. 

Et ce qui est intéressant, c’est que son signalement de la nova a été immédiatement accepté par l’astronome de l’observatoire d’Oslo, celui-ci même qui, vingt ans plus tôt, doutait de son signalement de la comète, ce qui est une indication de sa reconnaissance scientifique en Norvège. 

En 1961, suite à sa découverte, il reçoit une plaque de l’Association Américaine des Observateurs des Etoiles Variables (AAVSO), puis en 1070, la médaille royale du mérite des mains du roi Olav V, après celle du prix d’excellence Fridtjof-Nansen reçue en 1946 pour sa contribution dans le domaine des mathématiques en Norvège.

                                         

 

En reconnaissance de sa contribution, il devient membre honoraire de la société norvégienne d’astronomie. Trois ans plus tard, il meurt le 15 août 1972 à Oslo, entouré de reconnaissance de sa contribution à la science du pays. 

Une biographie lui est dédié par l’astronome amateur norvégien, sourd également, Rune Anda, qui l’a personnellement rencontré entre 1970 et 1972. Après avoir présenté son parcours en 1997 (en anglais) lors de la conférence de la Deaf History International à Trondheim (10-14 septembre 1997), rune Anda diffuse une vidéo en langue des signes norvégienne (mais très compréhensible !) sur son parcours l’année suivante.

 

En 2021, l’ouvrage est publié. L’ouvrage a droit à une page dans la revue locale d’astronomie, le numéro 54 d’Astronomi du mois d’avril 2021, à la page 58 consacré aux ouvrages d’astronomie. 

Un parcours qui mérite justement d’être connu au-delà des frontières !

 

Articles 

Rigollet, R., Flammarion, G. C., Quénisset, F., & Gentill, M. , La Comète Jurlof-Achmarof-Hassel (1939 d), L’Astronomie, vol. 53, pp.193-201

Svoboda J., Olaf Hansen Hassel, Rise Hvezd, juin 1939, pp. 154-157.

Article de 1968 sur Olaf Hassel en norvégien.

Anda, R. (1997). The deafborn Norwegian farmeboy with av world reputation among astronomers. In 3rd International Conference on Deaf History in Trondheim, 10 – 14 September 1997. Consultable en anglais ici.

Anda, R. (2021),Olaf Hassel,  Doves Verden, 252 p.

Lang, H. G., & Meath-Lang, B. (1995). Olaf Hassel.  In A Biographical Dictionary: Deaf Persons in the Arts and Sciences (pp.175-178). Westport, CT: Greenwood Press.

Cristiano, A. (2018, June, 1). Olaf Hassel. 

Ferrero, E., Olaf Hassel, Deaf Astronomer From Norway

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